Chiffres rassurants, rapport flippant : la méthode Générations Futures

Le Jeudi 6 avril 2017, l’association anti-pesticides Générations Futures, en guerre contre le glyphosate, dévoilait les résultats de sa dernière étude . Les échantillons d’urine de 30 individus ont été analysés à la recherche de la substance herbicide. Les chiffres sont tout à fait rassurants ; et pourtant, le rapport de Générations Futures fait peur. Encore une fois, dans la même veine que la campagne de Greenpeace Belgique contre le glyphosate (cf mon dernier article), on oublie toute contextualisation et balance des données et comparaisons inquiétantes mais pourtant dénuées de la moindre pertinence. Et le pire dans tout ça, c’est que des journalistes suivent aveuglément.

Deux leviers pour faire peur

Les résultats sont les suivants : on a trouvé du glyphosate dans tous les échantillons, avec une concentration moyenne de 1,25 μg/L, et une concentration maximale de 2,89 μg/L . On le verra, ces résultats sont très, très rassurants. Mais Générations Futures, qui veut nous faire signer une initiative citoyenne européenne pour l’interdiction du glyphosate, a pourtant deux leviers pour rendre tout ça flippant. (Je n’affirme pas que l’association utilise malhonnêtement ces leviers : il reste possible qu’elle ne se rende pas compte de l’absurdité de ces arguments.)

Le premier levier est bien évidemment de rappeler que le CIRC a classé la substance “cancérogène probable”. C’est répété quatre fois dans le rapport dès la deuxième phrase jusque dans la dernière , et répété trois fois dans le communiqué de presse et ce dès le chapô . Pourtant, le rapport ne nous parle que de consommateurs, exposés au glyphosate via l’alimentation. Or, je l’ai déjà expliqué, l’OMS (dont dépend le CIRC) a déjà tranché conjointement à la FAO : tout indique que le glyphosate n’est pas cancérogène par voie orale. Par conséquent, la répétition insistante de la classification du CIRC par Générations Futures est tout simplement hors sujet et trompeuse.

Second levier, et pas des moindres, la comparaison au seuil des 0,1 μg/L. On nous souligne que la concentration moyenne de glyphosate dans l’urine lui est 12,5 fois supérieure , que ce seuil est dépassé dans 29 cas sur 30 … Pertinence ? Aucune.

Là encore, ce seuil, j’en ai parlé dans le précédent article. Il n’est absolument pas, comme le prétend Générations Futures, la “concentration maximale admissible pour un pesticide dans l’eau” (désignation laissant entendre qu’une concentration plus élevée rendrait l’eau non-potable). Il est le seuil à partir duquel l’eau au robinet est déclassée en tant que “non-conforme NC1”, déclassement invitant à s’interroger sur les raisons d’une telle présence de pesticides, mais n’impliquant aucun risque sanitaire. D’ailleurs, il est un seuil unique pour tous les pesticides, et ne prend donc aucunement en compte la toxicité de chacun, et en particulier de la faible toxicité du glyphosate en comparaison des autres pesticides.

Mais surtout, l’urine n’est pas de l’eau potable ! Rappelons que l’urine est la voie par laquelle le corps se débarrasse des substances non-désirables ou en excès dans le sang. En d’autres termes : c’est un concentré de déchets. À quel moment peut-on croire qu’il puisse être pertinent de comparer les urines aux réglementations sur l’eau potable ? Compare-t-on les poubelles aux étals des marchés ?

Des résultats très rassurants

Et pourtant, Générations Futures aurait pu, avec un minimum d’efforts, comparer les chiffres à des données sanitaires et réglementaires. Comme le souligne l’ONG dans son rapport : “La recherche de glyphosate dans les urines permet […] de caractériser l’exposition humaine.” Il suffit de faire le calcul. Un adulte urine 1,5 à 2 L par jour . Si son urine contient 1,25 μg/L de glyphosate (moyenne trouvée par Générations Futures), il rejette ainsi par cette voie au plus 1,25×2 = 2,5 μg de glyphosate par jour. On considère aujourd’hui que l’absorption orale du glyphosate est d’environ 20% . C’est-à-dire qu’un cinquième seulement du glyphosate mangé passera dans l’organisme (le sang) puis sera filtré et finira dans les urines ; le reste finira dans les selles. (Selon les sources, on pourra trouver 23,5% ou 30% , estimation plus ancienne mentionnée par Générations Futures  ; mais 20% donnera de toute manière les pires résultats.) Notre individu moyen consomme donc au plus 2,5/20% = 12,5 μg de glyphosate par jour, ce qui rapporté à son poids donne : 12,5/50 = 0,25 μg/j/kg (en utilisant un poids faible de 50 kg, encore une fois pour assurer les pires résultats).

En somme, avec les données de Générations Futures, on trouve une consommation moyenne quotidienne de glyphosate, ramenée au poids de l’individu, d’au plus 0,25 μg/j/kg. Dans le pire cas trouvé par l’ONG, les mêmes calculs donnent 0,58 μg/j/kg. Ces résultats sont à comparer à une dose journalière admissible (DJA) pour le glyphosate de 0,5 mg/j/kg (précédemment estimée à 0,3 mg/j/kg) . On est au pire à 0,2% de la DJA, et c’est avec ça que Générations Futures fait peur ?! C’est tout simplement ridicule.

C’en est d’autant plus ridicule que Générations Futures mentionne la possibilité de faire ce calcul, ainsi que les données nécessaires. C’en est d’autant plus ridicule que si l’on cherche “glyphosate urine” sur le Google (.com) ou sur Google Scholar, on tombe sur un article scientifique expliquant comment traiter les données urinaires sur le glyphosate, développant ce calcul, et expliquant que des résultats similaires à ceux dont on parle indiquent une absence de risque sanitaire . C’en est d’autant plus ridicule que l’ONG remarque avoir des résultats comparables à ceux de l’étude allemande UNIRALE qui portait sur 2009 échantillons, et le BfR avait déjà remarqué que ces résultats indiquaient une consommation de glyphosate inférieure à un centième de la DJA .

Journalisme perroquet

Le pire dans cette affaire n’est probablement pas que l’ONG produise un rapport si négatif à partir de données si positives, mais que les médias journalistiques se fassent si aveuglément l’écho de leur propos. Générations Futures a un objectif, et on le sait : c’est une association explicitement anti-pesticide, visant à faire interdire le glyphosate, et cherchant ici à faire signer une initiative citoyenne européenne en ce sens. Générations Futures défend une position fixée a priori, et a pour objectif d’influencer en ce sens l’opinion publique et politique via notamment des actions directes auprès des médias et des individus politiques. Enfin, ici, l’association est ostensiblement à la recherche d’un énième buzz, d’où l’implication de personnalités n’ayant d’autre intérêt que de favoriser la médiatisation de cette affaire. Qu’elle agisse certainement par conviction personnelle et non par intérêt économique n’empêche pas que cette conviction soit potentiellement biaisée.

Tout cela devrait pousser n’importe quel-le journaliste un minimum sérieux-se à prendre les propos de l’ONG avec des pincettes, et à en vérifier la pertinence. Le Monde , L’Obs , Le Point , LCI , France Télévision , La Dépêche , France Soir , Femme Actuelle … Tous se font les échos dociles de Générations Futures, reprenant les arguments de l’ONG sans remise en cause. On nous rappelle que le CIRC, voire “l’OMS”, a classé le glyphosate “cancérogène probable” , et personne ne semble avoir connaissance des conclusions de l’OMS/FAO quant à la cancérogénicité par voie orale. Au plus, on mentionne en opposition la position de l’EFSA et/ou l’ECHA . Pire, on reprend la comparaison au seuil de 0,1 μg/L, prétendument “taux maximal admissible pour un pesticide dans l’eau” , sans jamais s’interroger sur ce qu’est réellement ce chiffre ni même sur la pertinence de comparer l’urine à l’eau potable. Certain-e-s journalistes y vont même de leurs propres mots, commettant une erreur d’autant plus grosse : au Monde on parle de “normes autorisées dans l’eau potable” , à France Télévision on parle de “[taux] tolérés en pesticide dans l’eau du robinet” . À aucun moment, on n’approfondit ce que représentent vraiment ces quantités trouvées. Au contraire, pour LCI, “le constat est pour le moins préoccupant”  ; pour France Soir c’est une “étude alarmante”. . On titre à coup de “taux hors normes” chez Le Monde , “grande quantité” chez Le Point , “quantités importante” chez France Télévision  ; et chez Le Monde, France Soir et Femme Actuelle, pour plus de buzz on attrape joyeusement la perche tendue par Générations Futures en mentionnant les “personnalités” en titre .

Ces sujets sont des sujets graves, et il serait temps que les journalistes qui les traitent fassent le travail pleinement. Il n’est pas normal que des journaux répètent sans aucune remise en cause les propos d’ONG emplies de convictions, surtout quand ces mêmes organes de presse sont explicitement plus critiques quant aux conclusions d’agences gouvernementales et européennes sur les mêmes sujets. Il n’est pas normal que le grand public se voit servir des argumentaires si absurdes dans les médias, alors qu’il n’a pas nécessairement lui-même la capacité de juger de leur bien-fondé. Il n’est pas normal que des journaux propagent ainsi les peurs les plus injustifiées, affectant par ailleurs fortement les processus démocratique en désinformant les citoyens. Enfin, il n’est pas normal de voir des journalistes si convaincu-e-s et peu à cheval sur la vérification des propos, qu’iels ajoutent une couche d’erreurs personnelles sur les inepties qu’iels colportent.


Ajout du 15 mai 2017 : J’ai été interviewé, ainsi que François Veillerette, directeur de Générations Futures, pour l’émission CQFD de la RTS. L’extrait en question est disponible ici.


Sur le sujet…
Sources
[1] “Quelle exposition des français au glyphosate (herbicide le plus vendu au monde) ?”, communiqué de Génération Futures, 06/04/2017
[2] “Quelle exposition des français au glyphosate (herbicide le plus vendu au monde) ?”, rapport de Génération Futures, 06/04/2017
[3] “A critical review of glyphosate findings in human urine samples and comparison with the exposure of operators and consumers”, Lars Niemann et al., Journal für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit, 2015
[4] “Conclusion on the peer review of the pesticide risk assessment of the active substance glyphosate”, EFSA, 2015
[5] “New toxicological reference values for glyphosate”, European Commission
[6] “Toxicokinetics of glyphosate and its metabolite aminomethyl phosphonic acid in rats”, Anadón et al., Toxicology Letters 2009
[7] Pesticides residues in food – 2004, Joint FAO/WHO Meeting on Pesticide Residues
[8] “Glyphosate in the urine: even for children, the detected values are within the expected range, without any adverse health effects”, BfR, 11/2016
[9] “Des taux hors normes de glyphosate dans les urines de personnalités”, Le Monde, Fanny Guiné, 06/04/2017
[10] “Glyphosate : tous contaminés ?”, L’Obs, 06/04/2017
[11] “Du glyphosate détecté en grande quantité dans l’urine de 30 personnes testées”, Le Point, 06/04/2017
[12] “Glyphosate : des résidus retrouvés dans les urines de 30 cobayes”, LCI, 06/04/2017
[13] “Du glyphosate retrouvé en quantité importante dans les urines de 30 cobayes par Générations Futures”, France Télévision, 06/04/2017
[14] “Des résidus de pesticides dans les urines des Français”, La Dépêche, 07/04/2017
[15] “Du glyphosate, composant du RoundUp, retrouvé dans les urines de personnalités françaises”, France Soir, 06/04/2017
[16] “Pesticides : des résidus de glyphosate dans les urines de 30 personnalités”, Femme Actuelle, Samantha Barreto, 06/04/2017

44 pensées sur “Chiffres rassurants, rapport flippant : la méthode Générations Futures”

  1. J’adore la conclusion ! Beau travail.
    La dangerosité du glyphosate reste donc un mystère , celle de monsanto l’est un peu moins à mes yeux mais c’est un autre débat justement.

    1. Pour à quel point la dangerosité du glyphosate serait un mystère, je vous invite tout de même à lire ou relire le précédent article pour en juger. Le glyphosate est un des herbicides les moins toxiques et écotoxiques. Quant à la cancérogénicité probable qui concernerait les utilisateurs (non les consommateurs), les preuves à son égard restent limitées (des dires du CIRC lui-même) et elle serait certainement légère si elle était avérée.

      Pour ce qui est de Monsanto, faites attentions. Beaucoup de mythes sont très, très répandus à son sujet. Tout n’est pas roses, mais on est souvent à mille lieues de ce que l’on entend dire.

    2. Le glyphosate reste dangereux pour la santé mais surtout par inhalation et non par ingestion, après dans le round up ce sont d’autres substances qui pose le plus de problèmes au niveau santé (désolé pour la source, j’ai lu un rapport mais je ne sais plus lequel …)
      Après ça reste néanmoins l’herbicide le moins nocif et il faut noter que ce sont les agriculteurs qu sont exposé le plus au dangers et non le consommateur, ce qui est logique vu qu’il manipule des produits purs et que nous on se contente de résidus

      1. En fait , ce sont les additifs au glyphosate qui seraient vraiment dangereux. Ils sont ajoutés pour aider à la pénétration du glyphosate dans le feuillage . Et Monsanto-Bayer , comme les autres producteurs de glyphosate, ne les mets pas en valeur à cause se cela

  2. Excellent, merci beaucoup.
    Ras le bol de ces associations qui passent leur temps à faire peur. Certes il peut y avoir des problèmes et y faut être vigilant (à une certaine époque le DDT était un produit miracle) mais cette vigilance doit être objective et validée selon des critères scientifiques rigoureux.
    Mon domaine est plutôt celui des ondes électromagnétiques et là aussi que d’absurdités (compteur LINKY 😉 ).
    On pourrait finir par ce demander s’il ne faudrait pas des sanctions pour faute professionnelle envers certains journalistes (je reste contre 🙂 ).

    1. Merci de vos compliments, ainsi que de votre aide pour améliorer l’article.

      Il ne s’agit néanmoins pas d’une typo : j’ai fait le choix d’employer le langage dit “inclusif”. Ce dernier n’emploie pas le masculin comme genre neutre pour les individus dans des cadres généraux (comme “les journalistes”), mais insiste plus explicitement sur le fait que sont désignés des femmes et des hommes. Le but est de lutter contre la perception d’un monde souvent “mâle par défaut”, perception notamment susceptible d’éloigner les femmes de certaines professions, comportements, etc… (On pourrait arguer que le masculin comme genre neutre n’a certainement aucun impact sociétal, mais cela me semble incertain et force est de constater que l’on tend bel et bien à associer un certain genre à certaines professions. On parle par exemple plus souvent des “infirmières”.)

      C’est un choix activiste (action féministe) discutable : l’impact recherché est incertain, et il sacrifie en partie la puissance rhétorique de la fin de l’article (puisque ce langage tend à perturber). C’est toutefois le choix que je fais, jugeant importante la cause qu’il veut servir, et n’étant de surcroît pas franchement à la recherche d’une rhétorique forte qui manipulerait le lecteur par la forme plutôt que le convaincrait par le fond.

  3. Indépendamment de la toxicité (avérée ou non) du produit, le fait que tout le monde en ingurgite n’est-il pas une information en soi?

    1. Si. Mais une information attendue, pas forcément utile, et surtout traitée n’importe comment ce qui lui permet de faire peur. Toute information transmise dans les grands médias nécessite contextualisation et mise en perspective : on doit expliquer ce que l’information implique, si elle est grave, rassurante, intrigante, inquiétante, … Communiquée au grand public, ce dernier doit être capable de saisir les implications de l’information, sans quoi on risque d’attiser des peurs infondées, faire jouer des biais irrationnels… et in fine affecter la perception des réalités et les processus démocratiques.

      Là, la mise en perspective est faite, mais n’importe comment, à l’opposé de ce qu’il conviendrait de faire. Elle devrait être faite (pas juste fournir l’information brute), et proprement.

  4. Clair, net et précis. ..
    Très certainement , un coup d épée dans l eau considérant le boulevard que les médias laissent à ce genre d information aussi idéologique que biaisée.
    Je ne désespère pourtant pas de voir un jour les faits ramener les opinions à leur juste place…
    Merci pour ce beau combat

  5. Voici l’exemple type de la littérature activiste. On prend une étude produite par une organisation non scientifique aux conclusions erronées pour donner le sentiment que les ONG écologistes sont dans l’erreur, que la présence de pesticides dans l’organisme est normale est sans problème sanitaire puisque les doses sont inférieure à la DJA. On ne manquera pas de rappeler que que l’OMS à revus ça copie et ne classe plus le glyphosate comme cancérigène probable.
    La problématique des effets sanitaires d’un produit ne se limite pas aux effets génotoxiques ou aux effets biologiques sur les organes. La formulation du produit joue également un rôle, de même que les effets indirects ne sont peu évalués. Par ailleurs, les études toxicologiques qui permettent l’établissement de normes est évaluée par des études à court terme.
    Un nombre croissante d’articles scientifiques montrent que le glyphosate a un effet délétère sur les bonnes bactéries gastro-intestinales et favorise les mauvaises bactéries. Le glyphosate à par conséquent un effet potentiel sur l’émergence de maladies typiquement occidentale qui ne peut être ignoré et qui sera certainement étudié sur le plan épidémiologique ces prochaines années.

    Krüger M, Shehata AA, Schrödl W, Rodloff A. Glyphosate suppresses the antagonistic effect of Enterococcus spp. on Clostridium botulinum. Anaerobe 2013;20:74–78.
    Shehata AA, Schrodl W, Aldin AA, Hafez HM, Kruger M. L’effet du glyphosate sur les agents pathogènes potentiels et les membres bénéfiques du microbiota de volaille in vitro. Curr Microbiol 2012. doi: 10.1007 / s00284-012-0277-2.

    1. Et voici l’exemple type d’attaques en réponse qui reposent avant tout sur un travestissement de mes propos.

      On m’accuse là de me focaliser sur l’étude de Générations Futures “pour donner le sentiment que les ONG écologistes sont dans l’erreur”. Or ce n’est pas mon propos. Mon propos est que Générations Futures fait ici peur avec un raisonnement et une présentation de résultats invalides. Mon propos est que dans cette campagne, les arguments de cette ONG (comme ceux de Greenpeace avant elle), ne sont pas rationnels ou factuels. Or il est impératif de ne pas laisser des ONG manipuler l’opinion avec du vent, mais d’au contraire raisonner sur les faits.

      À aucun moment je n’affirme que le glyphosate serait sans impact. Tout au plus, dans mon précédent article, je remarque qu’il apparaît comme un des pesticides les moins problématiques, même utilisé dans les quantités actuelles. Je n’affirme pas non plus qu’il serait impossible que l’impact du glyphosate puisse être sous-estimé et doive être réévalué au fur et à mesure que de nouvelles données apparaissent. Néanmoins, il n’en reste pas moins que tout cela doit être jugé sur la base de faits pertinents, et ce n’est malheureusement pas ce que mettent en avant ces ONG dans leur principaux argumentaires sur le sujet. Peut-être des DJA doivent-elles être recalculées, et des normes ou réglementations remises sur le tapis ; mais comment le faire proprement si tout ce que l’on agite sont des monceaux de n’importe quoi ? Comment savoir si l’on a raison si l’on ne raisonne pas sur quelque chose fiable ? Ce qu’il faut est un débat posé, rationnel et factuel, et non pas fallacieux et fondé sur la peur et des raccourcis.

      Vous dites par exemple que la problématique va plus loin que ce dont je discute dans mes articles. Peut-être, mais je discute des arguments des deux ONG dans les deux campagnes que j’ai traitées. Et justement, s’il y a des arguments pertinents ailleurs, doit-on laisser ces ONG continuer à faire campagne avec des arguments maintes fois démontés ? Car c’est à double tranchant : en plus de faire peur indûment pour de mauvaises raisons, ces ONG nous informent peu des éléments nouveaux pertinents. À ce sujet, vous fournissez d’ailleurs un merveilleux exemple : l’impact sur la flore intestinale (et plus précisément sur la prolifération des bactéries Clostridium). J’ai beau avoir échangé avec énormément de militants contre le Roundup et autres, je n’en avais jamais entendu parlé avant la semaine dernière !

      D’ailleurs, maintenant que j’ai clarifié mon propos, et souligné que ce que je critique dans ces campagnes militantes peut non seulement mener à des peurs indues mais aussi desservir leurs causes si elles s’avèrent fondée (en en camouflant les preuves), parlons un peu de cette histoire d’impact du glyphosate sur les Clostridium. Doit-on tout arrêter et prendre des mesures d’urgence ? De ce que j’en ai vu, je ne crois pas non. En revanche il est impératif d’approfondir la question. La découverte de ce potentiel problème est relativement récente, avec des études in vitro de 2012 à 2014. Il ne serait pas surprenant de voir arriver des études in vivo prochainement. En tout cas il faut creuser.

      Pourquoi n’est-ce pour l’heure pas si inquiétant ? Le problème dont il est question va comme suit : le glyphosate impacte les bactéries gastro-intestinales, et en particulier les Enterococcus qui participent à lutter contre le développement des Clostridium, qui elles posent un souci sanitaire. Le glyphosate inhibe les Enterococcus à des concentrations plus faibles que celles lui permettant d’inhiber les Clostridium. Ainsi, avec une concentration de glyphosate assez élevée (mais pas trop), les Enterococcus sont inhibées et les Clostridium prolifèrent. Une étude de cas semble indiquer que ce mécanisme s’est effectivement produit chez une patiente ayant tenté de se suicider en avalant du glyphosate. Mais on est là sur une quantité conséquente de glyphosate. Y a-t-il un danger dans le cadre d’une exposition alimentaire normale ? Les MIC (Minimal Inhibitory Concentration) trouvées in vitro pour l’impact du glyphosate sur Enterococcus faecium sont de ≤ 0,1 mg/mL selon l’article que vous fournissez (Krüger et al. 2013), 0,15 mg/mL selon Shehata et al. 2012, 0,3 mg/mL selon Shehata et al. 2013. Ce n’est pas très inquiétant compte tenu des expositions calculées dans le présent article. Il est aussi intéressant de noter que Shehata et al. 2013 remarque que la présence d’acide humique permet de neutraliser grandement l’impact biocide du glyphosate sur Enterococcus faecium, pouvant faire augmenter la MIC jusqu’à 2,4 mg/mL avec le bon acide humique. Une sustentation en acide humique est donc proposé comme solution pour éviter le problème discuté. On peut aussi se demander si les MIC précédemment fournies sont si basses in vivo, compte tenu de tout ce qui est aussi présent. Encore une fois donc, clarifier avec des données in vivo serait une bonne chose.

      (Pour votre seconde source, c’est un rapport de 139 pages ne parlant pas de glyphosate. Il est hors sujet.)

      1. Bonjour,
        j’ai quelques questions, car je cherche de qui quoi et comment…
        Pourquoi croire le FAO plus que le CIRC?
        Le glyphosate est il dissout lors du traitement des eaux usées? D’où la comparaison avec l’eau potable…
        Vous parlez de poids faible, mais nos enfants ne naissent pas à 50kg…
        « Le glyphosate seul est peu efficace, car il n’adhère pas aux feuilles et les pénètre difficilement. On lui adjoint donc un tensioactif (ou surfactant). Ces produits sont connus pour provoquer des mortalités cellulaires (par contact direct avec une cellule ou un tégument et des irritations). » Est ce vrai?
        Je n’ai pas bien compris les intérêts de Générations Futures à être contre le Glyphosate?!

        1. Vous défendez la pertinence de la mention du seuil réglementaire dans l’eau au robinet au prétexte qu’elle démontrerait l’exposition par voie alimentaire. Bon déjà précisons que, comme je l’ai expliqué dans mon précédent article, ce “seuil réglementaire” n’est qu’un seuil administratif pouvant être dépassé. Il n’est néanmoins, effectivement, qu’assez rarement dépassé (0,48 %). Mais surtout, ce que vous invoquez n’est en fait qu’un prétexte permettant de justifier la mention de ce seuil, rien d’autre. En effet, on ne trouve le raisonnement que vous avancez nulle part dans le rapport de Générations Futures, ni dans les articles que je mentionne ayant relayé l’information. D’ailleurs, lorsque l’association veut démontrer l’exposition par voie alimentaire, elle le fait en analysant les produits d’alimentation, comme elle l’avait déjà fait et l’a refait depuis. D’ailleurs, il est simplement mensonger de dire que les médias n’avaient pas relayé l’info, compte tenu de la couverture médiatique des études susmentionnées.

          Et surtout : personne ne nie l’exposition par voie alimentaire, et certainement pas moi-même (qui la mentionne occasionnellement), et ce même lorsque l’on lave ses légumes. (D’ailleurs votre remarque à ce sujet fleure bon la caricature sous-entendue, mais peut-être n’est-ce qu’une impression.) Cette information est connue et indéniable, et pas uniquement du fait des études susmentionnées de Générations Futures, mais aussi parce que ces résultats sont présents dans les rapports de l’EFSA sur les résidus de pesticides dans l’alimentation publiés en 2015 et en 2017.

          Il convient aussi de corriger vos propos sur la prétendue impossibilité de trouver du glyphosate dans l’alimentation en l’absence d’OGM résistants. D’une part, certains agriculteurs utilisent le glyphosate pré-récolte pour accélérer le dessèchement de certaines céréales comme le blé afin de pouvoir les récolter. On parle de dessiccation. D’autre part, des résidus de glyphosate restent dans le sol avec une demi-vie pouvant varier de 2 jours à 3 mois selon notamment l’ensoleillement des premiers jours (permettant une dégradation rapide). Le glyphosate peut ainsi se retrouver en quantités résiduelles sur voire dans les plantes cultivées.

          Ensuite, vous osez affirmer que je “mélange allégrement toxicité et cancérogénicité ». C’est tout simplement faux. Je n’aborde les données toxicologiques (la DJA) qu’après avoir justifié la non-pertinence de la cancérogénicité probable affirmée par le CIRC. Pour plus de détails à ce sujet, je vous renvoie comme le fait cet article vers mon précédent article. Je rappellerai notamment ici que le Joint Meeting on Pesticides Residues entre l’OMS et la FAO, postérieurement aux conclusions du CIRC, avait conclu : “Compte tenu de l’absence de potentiel cancérogène chez les rongeurs aux doses pertinentes quant aux humains et de l’absence de génotoxicité par voie orale chez les mammifères, et en considérant les preuves épidémiologiques issues des expositions occupationnelles, l’Assemblée a conclu qu’il était improbable que le glyphosate représente un risque cancérogènes pour les humains via l’exposition par l’alimentation.”

          En effet, veuillez déjà garder à l’esprit que tout n’est pas pareillement cancérogène. Parmi les cancérogènes certains du CIRC se côtoient les éléments radioactifs, les radiations solaires, les rayons ionisants, le tabac froid, les viandes transformées… et parmi les cancérogènes probable, on trouve la viande rouge, les boissons chaudes (65+ °C), les rotations horaires impactant le cycle de sommeil…

          Et s’il y a débat sur le risque cancérogène du glyphosate, c’est notamment parce que les données ne sont pas si claires, car l’impact n’est pas si violent. Pas uniquement pour les difficultés que vous évoquez au regard des données épidémiologiques.

          En effet, vous affirmez que “l’effet cancérigène est connu chez l’animal”. Mais avez-vous seulement jeté un œil aux études en question ? Les indications de cancérogénicité surviennent à des doses élevées, et les résultats des expériences sont très variables et sont loin d’être systématiquement répliqués. D’ailleurs, il apparait dans les Monsanto Papers que le CIRC n’a classé les preuves animales comme suffisantes que vers la fin et dans un contexte relativement douteux.

          Enfin, au-delà de nier la notion de risque et d’impact statistique, votre présentation simpliste de la cancérogénicité comme ne pouvant pas avoir d’effet de seuil semble erronée. Un certain nombre de mécanisme de correction et de suicide cellulaire permet de lutter contre l’apparition des cancers. Des mutations génétiques, il y en a tout le temps dans un corps, et vous ne développez pas autant de cancers. Un certain nombre de mécanismes mutagènes consistent à altérer ces mécanismes de sécurité, et il peut y avoir un effet seuil. D’ailleurs, le Professeur Parry, cet expert ayant été engagé par Monsanto et leur ayant remis un rapport empli de doute envers le glyphosate, pose dans son rapport la question : “Si le glyphosate est une génotoxine in vivo, son mécanisme d’action est-il à seuil ?”

        2. L’intérêt de Générations Futures a être contre le glyphosate est très simple et tient à leur statuts (disponibles sur Internet). Le but de l’association est de faire la promotion des « agricultures respectueuses de l’environnement » (Bio, Biodynamie, perma) et de combattre tous les produits de synthèse…
          Les sources de financement sont aussi basées sur cet engagement !

          1. Il est vrai que les ONG comme Générations Futures et Greenpeace sont financées pour leurs combats. S’ils cessent de les mener ou n’ont pas de résultats, les dons qui leur sont faits peuvent s’effondrer. Néanmoins, j’invite à appliquer le rasoir d’Hanlon, qui recommande de ne pas attribuer à une quelconque malhonnêteté ce qui peut s’expliquer autrement. Il me semble tout à fait plausible, et même hautement probable, que l’engagement des militants dont il est question soit motivé non par des intérêts personnels mais par leurs convictions. Être payés pour leur activité militante permet de la mener au maximum.

            Toutefois, même en reconnaissant que ces militants agissent sûrement par conviction, cela n’empêche pas qu’ils réalisent un travail dont il faut se méfier. D’une part, ils sont très certainement biaisés par leurs convictions, leur milieu, etc. D’autre part, certains peuvent sacrifier la rigueur dans l’information au profit de la cause. Que l’on me demande régulièrement comment j’“ose défendre Monsanto” alors que je corrige des affirmations facilement vérifiables est à ce sujet éloquent : la cause – la condamnation de Monsanto – prime sur la véracité. De même, que Générations Futures ait commis les mêmes impairs que ceux ici critiqués dans la communication de leur dernière étude invite à s’interroger sur leur honnêteté intellectuelle.

      2. Votre article laissait entendre que l’essentiel du GLYPHOSATE ingéré était rejeté dans les selles, ce qui veut dire que le microbiote intestinal est pollué par cette molécule, qui n’existe pas dans le milieu naturel, et donc bien entendu des actions probables de cette molécule doivent être recherchées sur ce milieu vivant.
        Vous n’avez non plus sans doute pas entendu parler du rôle tératogène du glyphosate, et vous attendez les publications scientifiques étayées.
        L’ingestion du glyphosate et de son vecteur provoque un sur risque de cancer chez les rongeurs.

        Les publications sont encore peu nombreuses, c’est le rôle des ONG que d’alerter l’opinion publique sur des risques probables, ensuite les équipes scientifiques les plus intègres, mettront sur pied des protocoles d’études rigoureux, ce dans une organisation idéale. Mais les lanceurs d’alerte et les équipes scientifiques subissent aussi des pressions, face à de puissants lobbys agro-chimiques qui ne manquent pas de moyens financiers, et pèsent aussi sur les éditeurs de revues scientifiques, quand ils ne négocient pas avec la représentation politique.
        Regardez dans le passé, le black out qu’a réussi l’industrie du tabac, pendant un siècle sur les effet mortels du tabac. ces industriels ont corrompu les politiques, acheté des scientifiques, tout a été publié et n’est plus contesté. Les preuves sont là. Un siècle de morts humaines prématurées dans le monde entier, des familles plongées dans la souffrance et la précarité ne trouvez-vous pas la facture trop lourde pour le vivant. L’ alerte de l’opinion publique n’est elle pas un bon moyen de protéger la population? Ne permet elle pas d’ amender les faux-pas de la démocratie représentative ?

        1. Tout d’abord, je soulignerai que les essais animaux et études épidémiologiques concernent inévitablement les effets du glyphosate indépendamment du mode d’action. Il est vrai que l’on ne surveille pas la flore intestinale dans ces analyses ; en revanche si cela a par voie de cause à effet des répercussions autres, cela peut se voir (du moins tant que les répercussions sont de l’ordre de ce qui est observé, comme la mortalité, le poids, les atteintes aux organes, les cancers…). Par ailleurs, les impacts du glyphosate sur le microbiote intestinal ont déjà été abordés dans un autre commentaire. Vous y verrez que pour l’instant, les données ne sont pas en faveur d’une quelconque inquiétude, au contraire : les concentrations nécessaires pour ces effets sont bien supérieures à celles auxquelles on est exposé.

          Vous parlez d’effets tératogènes, de sur-risque de cancers chez les rongeurs… Ce n’est pas comme si ces données n’étaient pas considérées par les agences que je cite dans mon précédent article. Pour plus de détails justement sur ces études, sans pour autant aller décortiquer les rapports des agences, je vous invite à vous tourner vers la vidéo assez complète de Matadon.

          Enfin, votre référence à l’industrie du tabac relève en réalité d’une méconnaissance et d’une caricature de l’Histoire, ancrée dans la culture populaire. Sur le sujet, je vous recommande l’article de La Théière Cosmique.

  6. De la « posture » sceptique, ou l’art de répondre de manière dépassionnée, factuelle (et positive, tout l’enjeu didactique est ici) au contradicteur. De ce que je connais de la littérature scientifique sur le net, la lecture des commentaires est souvent tout aussi féconde que celle de l’article de base. Bravo donc pour votre article et votre dernière réponse, très « sceptique ».

  7. Merci bunker D pour tout ce travail, les articles , les réponses argumentées aux commentaires c’est vraiment rigoureux et intelligent tout ça. J’espère que ça va duré longtemps

  8. Bonjour,

    Autant j adhère à la démarche qui consiste à étudier les faits et à ne pas se jeter sur un chiffre sans analyse, autant vos conclusions sont erronées car vous avez utilisé une méthode que vous reprochez pourtant aux journalistes. Dans votre exemple vous prenez un poid moyen de 50kg hors…vous connaissez beaucoup d enfants de 50kg? Les enfants aussi mangent et boivent Si on prend les concentrations max relevées et ramenées au poid d un enfant le taux n est plus du tout le même que les 0,2% de la limite…..
    En espérant que votre rigueur scientifique vous encouragera à réévaluer votre conclusion.

    1. Sauf que les enfants n’urinent pas 2 L par jour, ce qui dans le calcul sur les concentrations de glyphosate dans les urines mènera à une quantité moindre de glyphosate absorbé, compensant le poids plus faible.

      On peut aussi regarder ça du point de vue de l’exposition par les aliments (présentant des taux de résidus comparables pour les enfants et pour les adultes). Un enfant est certes moins lourd, mais mange aussi moins qu’un adulte. Là encore, les quantités moindres consommées compensent le poids moindre. Même en considérant qu’un enfant mange plus qu’un adulte proportionnellement à son poids, on n’aura jamais le facteur 500 permettant d’atteindre les 100 % de la JDA. Même en prenant le cas absurde d’un chétif nourrissons de 2 kg mangeant autant qu’un adulte, on n’atteint que 5 % de la DJA !

      1. « Sauf que les enfants n’urinent pas 2 L par jour »
        Un adulte non plus, selon UroSurf (http://e-learning.studmed.unibe.ch/UroSurf_FR/theory/volume1.html?urosurf%7Ctheory%7Cphysicexam%7Cvolume%7C1) un adulte urine entre 1000 et 1500 mL/24h et un enfant entre 4 et 10 ans urine de 700 mL à 1500 mL/24h. La différence n’est pas significative. L’argument de Sophie est pertinent concernant le volume quotidient d’urine et le poids (un enfant de 4 ans à en moyenne 15 kg) .
        Avec ces données on obtient une consommations de 0,625 μg/j/kg soit 2,5 fois plus que les valeurs pour un adulte de 50 kg et seulement 8 fois moins que la DJA (500 µg/j/kg). La DJA ne tient pas compte de l’effet du glyphosate sur la flore bactérienne de l’intestin, or les études montrent que le glyphosate perturbe cette flore en faveur de bactéries pathogènes telles les clostridies ce qui a nécessairement un impact sur les maladies où les clostridies jouent un rôle (autisme, maladies inflammatoires de l’intestin, etc.). Tant que la DJA n’est pas actualisée ce facteur 8 n’est pas aussi insignifiant que vous semblez l’affirmer.

        1. Vous semblez trouver pertinent votre correction de la quantité d’urine chez l’adulte, comme quoi un adulte n’urinerait généralement pas 2 L jour. Pourtant, je soulignerai que la valeur de 2 L n’a pas été choisie car arrangeante, bien au contraire. Elle est ce que l’on appelle classiquement un “pire cas” : en surestimant les quantités urinées, on surestime les quantités de glyphosate absorbées. (Voilà d’ailleurs des tableaux complets des valeurs obtenues selon les variables utilisées.)

          Ensuite, vous obtenez pour l’enfant 0,625 μg/j/kg (15 kg, 1,5 L/j), soit 2,5 fois plus que chez l’adulte (50 kg, 2 L/j). J’obtiens la même chose. Je souligne n’avoir jamais nié que les enfants étaient plus exposés (plus grand consommation par rapport à leur poids). Par contre pour montrer l’absence d’inquiétude, je suis allé jusqu’à considérer le cas extrême à l’absurde d’“un chétif nourrissons de 2 kg mangeant autant qu’un adulte”, et concluais : “on n’atteint que 5 % de la DJA !” À partir de là, le dernier chiffre que vous obtenez aurait dû vous surprendre et être sujet à une réanalyse plus critique avant publication. Pour cause, vous affirmez que 0,625 μg/j/kg est “seulement 8 fois moins que la DJA (500 µg/j/kg)”. Or 500/0,625 = 800. C’est un facteur 800 que l’on a, soit 0,125 % de la DJA. (Et en prenant la DJA encore utilisée par la Commission Européenne de 300 µg/j/kg, on obtient un facteur 480, soit 0,208 % de la DJA.)

          Quant à la prise en compte de l’impact sur la flore bactérienne intestinale, j’ai déjà abordé le sujet dans un commentaire vous répondant. J’y remarquais notamment que les MIC (Minimal Inhibitory Concentration) trouvées dans la littératures (soit les concentrations de produit à partir desquelles la population bactérienne étudiée n’augmente plus) étaient de 0,1 à 0,3 mg/mL. Par conséquent, avec une consommation maximale de glyphosate mesurée à 28,9 μg/j, il n’y a aucune raison de s’inquiéter des phénomènes que vous mentionnez. Tout au plus, la DJA devrait peut-être être diminuée, mais cela ne change rien au fait que les consommations observées ne sont pas préoccupantes ; et la comparaison à la DJA reste pertinente pour tous les effets qu’elle intègre.

          Et d’ailleurs, la DJA n’intègre-t-elle pas déjà cet effet ? Pour mémoire, elle est calculée à partir d’expériences d’exposition orale chronique chez divers mammifères, qui eux aussi ont une flore bactérienne. On parle d’effets qui affecteraient la flore bactérienne et résulteraient en des pathologies perceptibles. Qu’ils soient pertinents mais n’aient donc pas impacté les seuils obtenus lors des expériences in vivo semble donc plutôt incertain.

  9. Malheureusement peu de personnes prennent le temps de s’informer correctement sur ces sujets comme vous semblez le faire. Les personnes les mieux informées savent en général que le glyphosate est un herbicide non sélectif : il tue tout ! (enfin tous les végétaux je veux dire, ne m’accusez pas de faire peur !). Il ne viendrait à personne l’idée d’arroser son potager au roundup pour éliminer les mauvaises herbes poussant entre les poireaux (en plus ce produit n’est il pas sensé être biodégradable ? Mais si ! Ils le disaient dans la pub ! Celle avec le chien ! Enfin bref…). Enfin bref, toute personne pensant qu’il suffit de laver les légumes pour retirer les pesticides ne se sent pas concerné quand elle entend parler un glyphosate. Malgré le fait que les études scientifiques que tu as citées montraient déjà une exposition généralisée à cette substance, les média n’avaient pas relayé cette info. L’étude de Génération Future (GF) a donc permis que le grand public prenne connaissance d’une donnée connue des spécialistes, on est tous, ou presque exposé à de faible doses de glyphosate.
    En apprenant ça on se demande alors tous par quelle voie on est exposé au glyphosate. Puisqu’on est si sur que cela ne vient pas de notre alimentation (pourquoi mettre sur une plante cultivé un produit qui la tue ?). Peut-être que cela vient des OGM ‘Roundup Ready’… mais on ne mange pas beaucoup de maïs ou de soja… mais non ! Cela doit venir de l’eau, cet herbicide doit finir dans l’eau et on l’absorbe en la buvant…
    D’où l’extrême pertinence de rappeler cette limite réglementaire de glyphosate dans l’eau, cela montre bien que l’eau de boisson n’est pas la seule source, on en absorbe aussi par notre alimentation.
    Mais la question que tu soulève est tout à fait pertinente. Cette exposition est elle vraiment significative ?
    Hélas nos conclusions sont différentes sur le sujet. Tu mélange allégrement toxicité et cancérogénicité. Un composé cancérigène est typiquement un facteur qui va interagir avec l’ADN. Parfois cette interaction peut conduire a une mutation entrainant un cancer. Mais il n’y pas un effet seuil, une dose en dessous de laquelle il n’y a pas de risque. L’exemple approprié est celui du tabac, on ne vous dit jamais « en dessous de x cigarettes par semaine il n’y a pas de risque ». L’idée d’un seuil en dessous duquel un composé cancérigène ne provoquerait pas de cancer est fausse.
    C’est fort de prétendre qu’alors que le glyphosate traverse notre corps, il est moins dangereux que si il arrive par voie cutané. Quand presque 100% de la population est exposé, on ne peut pas avoir de groupe témoin. Cela explique la difficulté de déterminé l’effet du glyphosate ingéré. L’effet cancérigène est connu chez l’animal, mais il n’est que ‘probable chez l’homme pour cette raison.
    il y aurait encore beaucoup à dire, mais je vais en rester là pour l’instant

    1. Vous défendez la pertinence de la mention du seuil réglementaire dans l’eau au robinet au prétexte qu’elle démontrerait l’exposition par voie alimentaire. Bon déjà précisons que, comme je l’ai expliqué dans mon précédent article, ce “seuil réglementaire” n’est qu’un seuil administratif pouvant être dépassé. Il n’est néanmoins, effectivement, qu’assez rarement dépassé (0,48 %). Mais surtout, ce que vous invoquez n’est en fait qu’un prétexte permettant de justifier la mention de ce seuil, rien d’autre. En effet, on ne trouve le raisonnement que vous avancez nulle part dans le rapport de Générations Futures, ni dans les articles que je mentionne ayant relayé l’information. D’ailleurs, lorsque l’association veut démontrer l’exposition par voie alimentaire, elle le fait en analysant les produits d’alimentation, comme elle l’avait déjà fait et l’a refait depuis. D’ailleurs, il est simplement mensonger de dire que les médias n’avaient pas relayé l’info, compte tenu de la couverture médiatique des études susmentionnées.

      Et surtout : personne ne nie l’exposition par voie alimentaire, et certainement pas moi-même (qui la mentionne occasionnellement), et ce même lorsque l’on lave ses légumes. (D’ailleurs votre remarque à ce sujet fleure bon la caricature sous-entendue, mais peut-être n’est-ce qu’une impression.) Cette information est connue et indéniable, et pas uniquement du fait des études susmentionnées de Générations Futures, mais aussi parce que ces résultats sont présents dans les rapports de l’EFSA sur les résidus de pesticides dans l’alimentation publiés en 2015 et en 2017.

      Il convient aussi de corriger vos propos sur la prétendue impossibilité de trouver du glyphosate dans l’alimentation en l’absence d’OGM résistants. D’une part, certains agriculteurs utilisent le glyphosate pré-récolte pour accélérer le dessèchement de certaines céréales comme le blé afin de pouvoir les récolter. On parle de dessiccation. D’autre part, des résidus de glyphosate restent dans le sol avec une demi-vie pouvant varier de 2 jours à 3 mois selon notamment l’ensoleillement des premiers jours (permettant une dégradation rapide). Le glyphosate peut ainsi se retrouver en quantités résiduelles sur voire dans les plantes cultivées.

       
      Ensuite, vous osez affirmer que je “mélange allégrement toxicité et cancérogénicité ». C’est tout simplement faux. Je n’aborde les données toxicologiques (la DJA) qu’après avoir justifié la non-pertinence de la cancérogénicité probable affirmée par le CIRC. Pour plus de détails à ce sujet, je vous renvoie comme le fait cet article vers mon précédent article. Je rappellerai notamment ici que le Joint Meeting on Pesticides Residues entre l’OMS et la FAO, postérieurement aux conclusions du CIRC, avait conclu : “Compte tenu de l’absence de potentiel cancérogène chez les rongeurs aux doses pertinentes quant aux humains et de l’absence de génotoxicité par voie orale chez les mammifères, et en considérant les preuves épidémiologiques issues des expositions occupationnelles, l’Assemblée a conclu qu’il était improbable que le glyphosate représente un risque cancérogènes pour les humains via l’exposition par l’alimentation.”

      En effet, veuillez déjà garder à l’esprit que tout n’est pas pareillement cancérogène. Parmi les cancérogènes certains du CIRC se côtoient les éléments radioactifs, les radiations solaires, les rayons ionisants, le tabac froid, les viandes transformées… et parmi les cancérogènes probable, on trouve la viande rouge, les boissons chaudes (65+ °C), les rotations horaires impactant le cycle de sommeil…

      Et s’il y a débat sur le risque cancérogène du glyphosate, c’est notamment parce que les données ne sont pas si claires, car l’impact n’est pas si violent. Pas uniquement pour les difficultés que vous évoquez au regard des données épidémiologiques.

      En effet, vous affirmez que “l’effet cancérigène est connu chez l’animal”. Mais avez-vous seulement jeté un œil aux études en question ? Les indications de cancérogénicité surviennent à des doses élevées, et les résultats des expériences sont très variables et sont loin d’être systématiquement répliqués. D’ailleurs, il apparait dans les Monsanto Papers que le CIRC n’a classé les preuves animales comme suffisantes que vers la fin et dans un contexte relativement douteux.

      Enfin, au-delà de nier la notion de risque et d’impact statistique, votre présentation simpliste de la cancérogénicité comme ne pouvant pas avoir d’effet de seuil semble erronée. Un certain nombre de mécanisme de correction et de suicide cellulaire permet de lutter contre l’apparition des cancers. Des mutations génétiques, il y en a tout le temps dans un corps, et vous ne développez pas autant de cancers. Un certain nombre de mécanismes mutagènes consistent à altérer ces mécanismes de sécurité, et il peut y avoir un effet seuil. D’ailleurs, le Professeur Parry, cet expert ayant été engagé par Monsanto et leur ayant remis un rapport empli de doute envers le glyphosate, pose dans son rapport la question : “Si le glyphosate est une génotoxine in vivo, son mécanisme d’action est-il à seuil ?”

      1. Le fait que vous vous sachiez exposé ne veux pas dire de le grand public en avait connaissance

        Je n’ai pas trop développé les réflexion sur la cancérologie, mais vos arguments ne son valables que dans un monde dépourvu d’autres facteurs de cancerogénicité. La fréquence de cancer dans la population montre bien que les systèmes nous protégeant sont parfois dépassés. ces quantités de glyphosate ont surement peu de chances de provoquer un cancer si il n’y avait pas d’autres facteurs, mais une combinaison glypho + stress + autres facteurs courants peuvent entrainer un cancer. Au milieu du bruit généré par les milliers de facteurs, il est difficile d’évaluer l’impact réel du glyphosate. Néanmoins le rapport bénéfice/risque étant faible comparé à beaucoup d’autres, il serait bien de prendre des mesure pour limiter l’exposition à ce composé (pas forcément l’interdiction complète, mais faire en sorte de réduire l’exposition).

        1. “Le fait que [je me savais] exposé ne veux pas dire de le grand public en avait connaissance”… mais encore une fois, prétendre que la mention du seuil pour l’eau au robinet serait motivée par la démonstration d’une exposition alimentaire relève néanmoins de l’invocation d’un prétexte manifestement faux, puisque Générations Futures ne développe pas ce raisonnement, et puisque lorsqu’ils veulent montrer la présence de pesticides dans l’alimentation, ils analysent cette dernière, comme ils l’avaient déjà fait.

          Au sujet de la cancérogénicité, l’invocation d’autres phénomènes cancérogènes est bien sympa, mais il reste que si cancérogénicité il y a, elle se voit à peine. Cachée par le bruit certes, mais néanmoins faible devant ce bruit donc. De plus, vous faites royalement fi des remarques faites quant aux résultats des expériences sur les animaux, ou des conclusions du JMPR (OMS-FAO), ainsi que de l’ensemble des agences d’analyses de risques à ma connaissance. D’ailleurs, compte tenu de ce dernier point, je ne vois aucune raison d’accorder une quelconque crédibilité à un point crucial que vous affirmez mais ne démontrez pas : un “rapport bénéfice/risque étant faible comparé à beaucoup d’autres”.

          1. Je tente de vous convaincre d’avoir un minimum d’esprit critique vis-à-vis de ce que vous avez vous même écrit. Je fait en sorte que tout ce que j’écris soit vérifié. Cela prend un temps considérable, et, bien que la diffusion de la culture scientifique soit aussi dans mes fonctions, cela n’est absolument pas valorisé. Ainsi j’ai d’autres priorités. Je n’ai donc pas le temps de réaliser une review complète pour vous répondre à chacune de vos allégations. Je me réserve donc le faire fi de ce que je veux. Si j’avais voulu dans mon commentaire initial faire état de toutes les erreurs et déformations de votre article il m’aurait fallut trois pages de plus.

            Je vous remercierais d’arrêter de prendre de grands airs supérieurs en vous donnant le rôle d’un (mauvais) professeur face à un élève. Je ne suis pas votre élève, je me contente de vous lancer des pistes de réflexion, qui, si vous les suivez, pourrait vous conduire à amender votre propos. Vous êtes libre de suivre ou non ces pistes. Mais c’est à vous de suivre la démarche et non pas à moi de tout vous apporter. De plusieurs moteurs de recherche permettent de trouver les publication scientifiques et la plus part peuvent être facilement accessible quand on sait comment faire. Si vous avez besoin je suis tout disposer à vous aider dans ces recherches.

            Personne ne nie qu’un rapport d’une ONG écologiste telle que GF va être orientée, mais prenez conscience, ou reconnaissez, de votre article est au moins aussi orienté.

            Pour ce qui est du rapport bénéfices/risques, faites donc ce que vous voulez, je vous ai déjà fourni, dans un commentaire que vous avez supprimé, un bon début de piste avec les références d’un papier montrant l’efficacité d’autres systèmes agricoles (je tiens à préciser pour les autres lecteurs que la suppression du commentaire en question été justifié par son caractère hors sujet, je ne tiens pas à décrédibiliser l’auteur de ce blog pour de mauvaises raisons).

          2. Vous parlez d’esprit critique, vous rejetez les données ci-présentes. Vous vous réservez de faire fi de ce que vous voulez ? Très bien pour vous. Malheureusement, la méthode scientifique et le rationalisme s’accommodent très mal de ce genre de cherry picking. Vous pouvez prétendre que ce que vous écrivez est vérifié, reste que vous affirmez beaucoup sans source. Et non, ce n’est pas à moi d’aller chercher des preuves qui n’existent peut-être pas à vos propos flous. D’autant plus que compte tenu des problèmes soulignés dans votre précédent commentaire, il n’y a aucune raison d’accorder une quelconque crédibilité à ces affirmations.

            Cette remarque n’est malheureusement que confortée par votre invocation des deux articles précédemment fournis en tant que “bon début de piste” vis-à-vis de l’affirmation d’un rapport bénéfice/risque faible. Pour cause : l’un est parfaitement hors sujet, traitant des éventuels impacts écologiques et sanitaires des OGM ; l’autre consiste en une comparaison des agricultures biologiques et conventionnelles, et ne soutient pas votre propos. Il met certes en avant des avantages environnementaux de l’agriculture bio en comparaison à l’agriculture conventionnelle pratiquée (avantages que je mentionnais d’ailleurs déjà dans mon live chez la Tronche en Biais tout en soulignant qu’il serait utile de comparer le bio à une agriculture conventionnelle raisonnée aux pratiques comparables sinon le rejet de la synthèse). En revanche, les bénéfices des pratiques conventionnelles y sont aussi clairement présents : le bio présente de plus faibles rendements surfaciques, et nécessite plus de travail. D’ailleurs, autant dans certains cas l’utilisation moindre d’intrants peut permettre de meilleurs bénéfices malgré des rendements plus faibles, autant dans d’autres la vente du bio à des prix plus élevés est nécessaire pour compenser les pertes et faire des bénéfices comparables au conventionnel. Enfin, je soulignerai que le bio est ici comparé aux pratiques conventionnelles usuelles dans les pays où sont réalisées les études. Cela ne nous dit pas grand chose sur l’utilisation du glyphosate dans le cadre d’une agriculture plus raisonnée, comme celle pratiquée par Gilles vk, dont je conseille de visionner quelques épisodes voire tous, et qui utilise le glyphosate.

            (Veuillez savoir que votre dernière parenthèse est fortement appréciée, et que je ne suis pas mécontent d’avoir l’occasion de reproduire ici les liens fournis.)

  10. 1- Lorsque je dis que je fais fi, je veux dire de je me passe de prendre le temps de vous répondre sur ce point. N’ayant pas le temps, je ne peux pas me permettre de faire une review systèmatique de la littérature pour chaque point que vous abordez. La méthode que j’utilise s’apparente à un échantillonnage aléatoire de la littérature scientifique. La toxicité du glyphosate n’est pas mon principal sujet de recherche et, fondamentalement, m’intéresse assez peu. Il est donc possible que j’ai loupé l’étude que vous évoquez lors de mon échantillonnage.

    2- Dans mon précédent commentaire j’évoquais une référence, il s’agit bien évidement de la seconde (l’autre faisant référence à votre enthousiasme sans faille vis-à-vis des OGM lors de votre passage à la tronche en biais). Je citais ce papier en réponse à votre votre attaque particulièrement violente de l’agriculture biologique lors de votre lamentable prestation chez la tronche en biais. Si j’évoquais à nouveau ce papier c’est pour montrer que des systèmes sans glyphosate (car bio) peuvent être très efficaces. Quand à l’idée, certes très séduisante, de pouvoir utiliser le glyphosate dans le cadre d’une agriculture efficiente sur le plan environnemental elle n’intègre pas le changement de paradigme qu’est le passage d’une agriculture industrielle à des systèmes agro-écologiques. Ainsi, la suppression du glyphosate serait à terme positive sur le plan agronomique.

    3- Bien évidement, je ne vous demande pas de me croire sur parole. Je cite peu de sources dans mes commentaire, car vous pourriez répondre que cela constitue du « cherry picking », et vous pourriez toujours trouver un article paru je ne sais ou qui dira le contraire. Comme je l’ai dit précédemment, j’essaie de vous pousser à faire vos propres recherches sur certain sujets. La seule solution est de faire soit même une recherche approfondie en évitant de ce laisser influencer par ses présupposés.

  11. Bonjour, tu cites les travaux de la commission européenne. Voici quelques informations afférentes:
    -« une grande partie du dossier de réautorisation du glyphosate présenté par les autorités sanitaires européennes est un copier-coller d’un rapport écrit par un groupe de lobbying industriel, dont fait partie Monsanto.  »
    http://www.liberation.fr/planete/2018/02/06/la-commission-monsanto-approuvee-par-le-parlement-europeen_1627770
    – Monsanto exclu du parlement … juste un peu tard … https://www.courrierinternational.com/article/lobbying-monsanto-exclu-du-parlement-europeen
    Et pour cause:
    –  » la moitié des commissaires européens qui ont quitté leur fonction travaillent désormais dans des lobbys » : https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Quand-deputes-europeens-mettent-lobbying-2017-02-06-1200822692

    1. Ah, les fameux copier-coller de l’EFSA, qui me sont si systématiquement présentés comme quelque-chose que j’omettrai sûrement, alors que j’ai creusé l’affaire assez tôt. C’est en réalité un exemple typique de quelque chose de relativement attendu, qui a non seulement été tourné en scandale mais a aussi été amplifié par manque de contextualisation et de mesure.

      Attendu pourquoi ? Parce qu’il est demandé aux demandeurs d’une homologation ou de son renouvellement de fournir un dossier complet avec données toxicologiques, revue de la littérature et tout le toutim. À partir de là, quand le rapporteur se trouve être en accord avec ce qui est présent dans le dossier fourni, il n’est pas particulièrement choquant qu’il en recycle le texte plutôt que de perdre du temps (et de l’argent) à reformuler les mêmes choses. La question qu’il convient de se poser, c’est si ces copier-coller sont des copier-coller dociles ou réalisés aveuglément et sans esprit critique, ou pas.

      Pour voir de quoi il retourne, on peut aller trouver le rapport complet du BfR pour l’EFSA (ce qui nous intéresse étant le Volume 3, Annexe B6, à partir de la page 508), ainsi que la section concernée du dossier fourni par les demandeurs.

      Un pdf des pages 528 à 551 du volume 3 du rapport (à partir de p. 1040 du pdf), avec en orange les extraits copiés était disponible, mais ne l’est à ma connaissance plus. Une vision générale, de loin, est toujours accessible. Cette section consiste en fait en un recensement d’études sur la cancérogénicité du glyphosate et publiées à partir de 2000. Une bonne partie des zones copiées sont des descriptifs de base des études : référence, abstract, score Klimisch. S’y ajoutaient des commentaires, qui étaient en grande partie ceux émis par la GTF, avec quelques ajouts du BfR.

      Avec cela, on peut certes s’interroger sur la neutralité de l’analyse de ces études. Par ailleurs, le flou entre ce qui vient de la GTF et du BfR est critiquable ; et on aurait préféré sur cette section le maintien de ce qui est fait avant et après dans le rapport, où les conclusions des demandeurs (la GTF) sont très clairement et explicitement séparées des conclusions du rapporteur (BfR). (Un exemple au bas de la page 1039.)

      Mais donc : copie aveugle ? Non, clairement pas. On remarque déjà que le rapporteur a ajouté deux sources apparemment non mentionnées par les demandeurs dans leur dossier : Séralini et al. 2012 (p. 1060 du pdf), Chruscielska et al. 2000 (p. 550). De plus, sur l’image précédemment fournie, le jaune indique les modifications du rapport en Janvier 2015 (visible dans le pdf). Ces modifications démontrent un travail de relecture et de correction.

      On peut aussi voir p. 1039 une trace du regard critique des rapporteurs envers les données fournies par la GTF. On parle ici de résultats d’expériences privées faites par les industriels. Un édit de Janvier 2015 marque que des informations supplémentaires ont été demandées à la GTF, et le rapport a été modifié suite à leur réception.

      Autres éditions d’intérêts, cette fois datant de Mars 2015 : la fixation d’un ARfD à 0,5 mg/kg, alors qu’elle était auparavant jugée inutile. On trouvera des exemples p. 46 et p. 127 du pdf.

      Résultat, on doute donc que le BfR ait aveuglément copié. Divers éléments montrent un regard critique du BfR envers ce qu’ont fourni les industriels, et des modifications progressives liées aux peer-reviewing successifs. On peut certes remarquer que partir d’un dossier mis en place par les industriels est susceptible de biaiser l’interprétation et le traitement des données disponibles dans la littérature scientifique, mais cela relève par contre du fonctionnement établit et “normal”.

       
      Plus généralement, il est à noter que l’EFSA est loin d’être la seule agence à conclure de la sorte à l’égard du glyphosate, qu’elle porte aussi des jugements plus sévères sur d’autres produits aussi défendus par les industriels, et que la remise en cause de ses conclusions se fait sur la base de prétendus conflits d’intérêts (raisonnement ad hominem) plutôt que via une tentative de réfutation sur la base de la littérature.

       
      Pour ce qui est de l’exclusion des lobbyistes de Monsanto du Parlement Européen, c’est une décision politique qui se justifie notamment par l’image fournit par l’image populaire de Monsanto (fondée sur une “information” fort caricaturale comme nous pouvons le voir, voire parfois carrément à côté de la plaque). C’est d’une pertinence toute limitée, ça ne démontre pas grand-chose. D’autant que ce lobbying là a avoir avec les décisions politiques, et absolument pas avec le travail de l’EFSA et des agences d’analyses de risque qui prépare en amont les données scientifiques et établissent les seuils toxicologiques. (Et on se gardera des raisonnements complotistes à base de revolving doors : que d’anciens députés et autres employés d’organismes soient engagés ensuite par les industries s’explique tout à fait par l’intérêt de ces industries pour l’expertise ainsi développée (connaître le milieu), et n’implique pas un service antérieur auxdites industries.)

      1. Tant qu’il n’y a pas de bonnes raisons, oui. On ne peut pas imposer des interdictions juste parce que l’on a “pas envie”. On interdit pas aux gens de s’embrasser dans la rue parce que l’on a “pas envie” de voir ça. Et on va pas interdire pléthore de produits utiles parce que certains ont décidé qu’ils n’avaient “pas envie”, sans bons arguments pour défendre cette interdiction comme autre chose qu’une lubie. Or c’est bien de ça dont il est question quand vous invoquez en réponse le simple fait que vous “n’avez pas envie” : vous quittez le débat sur les raisons et leur bien-fondé ou non, vers la simple demande que tout le monde se plie à ce que quelques uns ont juste décidé.

    1. Ce n’est absolument pas que “on s’en fout”, c’est que ce n’est simplement pas le sujet de l’article. L’article répond à des mesures particulières et un discours précis qui leur est associé et a été repris un peu partout dans les médias. On pourra d’ailleurs remarquer que loin d’être marginal, ce discours a fait depuis l’objet de répétitions, avec des nouvelles mesures, et même des projets de plaintes aussi indus et indéfendables soient-ils. En tant que réponse, cet article se concentre donc sur les arguments en question, plutôt que de changer de sujet comme vous le faites.

      Néanmoins, l’environnement n’est pas ignoré : ce n’est juste pas le sujet ici. La fin de mon précédent article abordait déjà la question de l’environnement. Vous l’avez lu, ou du moins commenté, vous devriez le savoir. Notamment, il s’intéressait alors aux quantités de divers pesticides dans les eaux de surface en France métropolitaine, et les comparait aux seuils d’écotoxicité associés. Il soulignait ainsi que parmi les herbicides, le glyphosate est loin d’être le plus inquiétant à cet égard, et son interdiction paraît contre-productive d’un point de vue écologique en ce qu’elle favoriserait en remplacement l’emploi d’autres herbicides plus problématiques.

      À vrai dire, l’invocation de la biodiversité ici n’a d’ailleurs pas grand chose de valide : le glyphosate n’est pas particulièrement associé à une quelconque perte de biodiversité. Le nombre d’organismes que l’on sait inquiété par cette molécule spécifiquement est assez limité, ils sont des organismes du sol (certains vers et champignons), et les effets sont plutôt restreints au regard du peu d’épandages en pratique. Il reste les impacts du désherbage, chimique ou mécanique, de la mise à nue du sol… Mais justement au contraire, on peut souligner que le glyphosate est aujourd’hui utilisé pour implémenter des pratiques d’agriculture de conservation et typiquement des semis directs sous couvert. Dans certains cas, le glyphosate est nécessaire pour l’implémentation de telles pratiques. Et comme l’INRA le souligne, ces pratiques sont très efficaces pour la biodiversité au sol, et même plus que le bio dans l’ensemble. Chèvre Pensante en parle dans un de ses articles, et vous pourrez trouver les sources là-bas.

  12. Je vous cite: « tout indique que le glyphosate n’est pas cancérogène par voie orale ».

    Seriez-vous prêt à en boire sereinement 1 verre, disons, dilué à 50% avec de l’eau ?

    Chiche !??

    1. Pensez-vous que la cancérogénicité soit la seule cause de toxicité ? Non. Indépendamment de la cancérogénicité, s’amuser à boire du glyphosate n’est certainement pas une bonne idée, je le rappelle régulièrement. En revanche, la toxicité dépend de la dose. C’est discutable éventuellement dans certains cas de cancérogénicité et de perturbation endocrinienne, mais le glyphosate n’est selon toute apparence concerné ni par l’un, ni par l’autre. Par conséquent, inviter les individus à boire du glyphosate dès qu’ils soulignent l’absence de risque en pratique avec la substance, cela relève au mieux d’une profonde ignorance des bases de la toxicologie, au pire de la simple mauvaise foi. L’exposition que vous proposez représente au bas mot plus de 100 000 fois les expositions quotidiennes les plus élevées observées chez des consommateurs.

  13. Bravo, pour cet article que je souhaitais lire depuis longtemps. En lisant le rapport de Générations Futures j’ai relevé les mêmes biais que vous mais je suis bien trop sujet à la proscrationation pour en faire un article. Et de seulement en parler dans mon entourage a suffit a me faire passer pour un vilain comploteur à la solde de l ultracapitalisme ( où on voit que certaines personnes mélangent tout ) ce dont je me moque éperdument.
    Vous me direz, je n ai qu à changer d entourage.
    Encore une fois bravo pour cet article. ( bof pour le langage inclusive que vous utilisez heureusement avec parcimonie , mais c est un détail et une affaire de goût, ça ne se discute pas )

  14. Bonjour
    La manière dont est obtenue le pourcentage de passage de glyphosate dans les urines est pour le moins… iconoclaste. Le rapport de l’EFSA juge que cette valeur est « well in the middle ». Je me demande ce qu’on aurait dit s’il s’était agit d’un rapport du CIRC…
    D’autre part ce 20% est franchement remis en cause par une étude sur des humains (et oui le 20% sort d’études sur les rats, sans qu’à aucun moment soit posée la question du transfert des connaissances d’une espèce à l’autre).
    Je parle de tout cela ici : https://factsory.org/2020/glyphosate-sous-estimation-aigue-de-notre-exposition-chronique/

  15. Merci beaucoup pour votre travail, vos recherches et vos sources.
    Ce n’est pas évident de trouver des éléments objectifs sur un sujet aussi clivant.

Répondre à Charlie M. Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *